Roxanne Hodes, L'Evénement du Jeudi

L'histoire de l'art fournit de nombreux chef-d'œuvres qui viennent hanter les ateliers. Et l'ombre intimidante des peintres admirés paralyse parfois le pinceau de l'artiste au commencement d'une nouvelle toile. Pour conjurer dans son œuvre la présence encombrante des fantômes adulés, Comment rendre compte de la réalité lorsque celle-ci est envahie par les images virtuelles? Le jeune peintre québécois Martin Bruneau répond par sa dernière série d'œuvres où se côtoient des " portraits " à l'identité trouble. Des silhouettes anonymes évoquent les traces d'une humanité disparue dont il ne reste que le contour, tandis que les accessoires de la robotique suggèrent la barbarie quotidienne. De la multitude d'expressions qui constituent une même figure surgissent des apparitions insaisissables et fuyantes. Un masque peut en cacher un autre! Sur les toiles, les nombreuses stratifications de peinture déposées avec acharnement par Martin Bruneau recouvrent des absences manifestes aussi énigmatiques que des inconnues algébriques. Chaque portrait est un miroir où se fragmente un paysage contemporain qui mêle le réel et le virtuel. A l'heure où les nouvelles technologies imposent leurs écrans entre l'individu et le monde, le portrait-robot de l'homme du commun devient plus complexe. Construit d'objets prosaïques, tandis qu'un profil vient percer tout à coup un oeil ou un nez, chaque visage apparaît comme une mise en abyme où le regard se perd. Alors jaillissent de la toile, sur des fonds aux couleurs flamboyantes, des têtes colossales et décharnées, installées avec l'évidence ostentatoire des trophées.